lundi 21 avril 2008

Une journée à l'usine

Le lendemain, Monir, jeune sous-chef d’usine, passe me prendre à domicile en minibus. On arrive sur place à 10 heures. Je rencontre Mister Nazrul, qui doit m’aider à comprendre la première étape de la production au département yarning (filage en français). En fait, le fil s’achète à des entreprises Bangladaises, chinoises, taiwanaises… Après, selon sa constitution, il doit ou non passer au département winding (mise en bobine du fil) puis au knitting (tricot). Des machines encore importées d’Asie permettent aux ouvriers de tricoter les pants des pulls : devant, derrière, les manches.

Après vérification, il faut assembler les parties (linking), couper les fils et affiner l’assemblage (mending), ajouter les accessoires (zipper, boutons) si nécessaire, laver (washing, bravo !), repasser (ironing), fignoler (finishing) et emballer (packing)… Entre chaque étape, il y a toujours une vérification du boulot accompli et une batterie de couturières assises par terre qui reprennent les défauts.

Je passe la journée avec Nazrul, qui ne parle malheureusement pas très bien anglais, pour ne pas dire pas du tout. Alors je mets mes fesses sur une chaise, je la ferme et je regarde. C’est une grande pièce, avec des ballots de bobines de fil un peu partout, et aussi dans la pièce d’à côté. C’est pas très très bien rangé dis donc, mais comment font-ils pour s’y retrouver ?
Le téléphone sonne souvent, nazrul ou un autre répond. Ils ont des classeurs, des crayons, des chaises, mais pas d’ordinateur. Tout se fait manuellement.
Et puis il y a des porteurs de fil, qui passent leurs journées à trimballer tout ça.

Le business du textile marche de telle façon qu’après avoir reçu les commandes de l’acheteur, le département merchandising doit toujours valider tout ce qui se passe à l’usine en envoyant des échantillons qui sont ou non approuvés avant de lancer la production. J’apprends que l’usine est chargée jusqu’à août. Comparée aux autres que j’ai vues, celle-ci semble bien moins moderne…

C’est drôle d’être ici, tout le monde me dévisage discrètement avec un air très intrigué. C’est comme si j’étais un nègre.
Dans les usines, il y a toujours des gardes en uniforme à l’entrée qui vous font des saluts à l’américaine quand vous entrez. Et puis aussi des hommes de main à la solde des gros bonnets. On peut les sonner, et ils vous apportent du thé, de l’eau, des fruits, des gâteaux, de cigarettes, et ça, c’est quand même génial!

Dans mon usine, les « gros bonnets » ont l’air assez jeunes. En fait, les Bangladais ont souvent l’air beaucoup plus jeunes que leur âge. Mais, les cadres qui dirigent l’usine ici ont pour la plupart entre 25 et 35 ans. Ils parlent mieux anglais, et je m’esquive souvent du département yarning pour aller m’envoyer un thé dans les bureaux ou l’air est conditionné. C’est pas que je veuille faire de la mauvaise volonté, mais j’apprends autant en posant des questions à des gens qui me comprennent qu’en restant idiotement le cul sur ma chaise à observer les allées et venues de types qui parlent bangali et qui me regardent drôlement.

A la pause du midi, je déguste ma plâtrée de riz avec les cadres. Inutile de dire que les manières à table sont bien différentes de chez nous. En fait, Alice et moi, on trouve qu’ils se tiennent vraiment comme des porcs. Ils mangent avec la main, ça pourrait encore aller, mais ils font des bruits, et puis ils s’appuient négligemment sur leur coude gauche. La cerise sur le bouquet (pourquoi pas finalement): quand les doigts ne peuvent plus attraper les petits grains de riz qui baignent dans le jus, alors là, ils prennent leur assiette à deux mains et sscccccchhhhhhhhrrrrrrllllllllll, on aspire. J’espère qu’il nous restera un vestige des bonnes manières quand on va rentrer. On a complètement perdu l’habitude de faire la vaisselle, laver les miettes, ranger les couverts…

Après, je retourne somnoler au département de Mr Nazrul. Sur le coup de 5 heures, je me casse rejoindre Alice dont l’usine est tout près. Raz le bol de ce stage.

Note pour Louise et François: Le port d’arme est autorisé ici, si on a les papiers qui vont avec. Je n’ai pas l’impression que ce soit une pratique courante, mais il faut savoir que le sympathique Mr Kabir est haut en couleur et a vécu 20 ans aux Etats-Unis, ou il a d’ailleurs une chaîne de boulangerie. Peut-être est-ce l’american way of life qui a raffermi son attitude de cow boy.

1 commentaire:

  1. Au moins tu découvres le pays d'une autre façon...pas en touriste! en ouvrier de base! Super expérience et vrai plongeon au Bangladesh.
    Et puis c'est génial de retrouver sa douce à la sortie de l'usine.
    Maman qui en effet aurait du mal en voiture dans les rues de Dakha.

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