vendredi 13 septembre 2013

De la culture Bangladeshie dans un contexte professionel


Après une expérience professionnelle de trois ans au Bangladesh (de 2008 à 2011), voici à froid quelques pensées rationnelles sur les chapitres de l'intégration culturelle et l'adaptation dont la profondeur n'a d'égal que l'intérêt.

Le Bangladesh est le berceau de la région du delta du Gange. Ce pays est le théâtre de conditions culturelles particulières : D'abord, la culture Hindoue y a une grande influence du fait de la proximité de l’Inde. (Pas bête). En outre, 90% de la population est de confession musulmane et bien qu'une plus grande tolérance s'observe par rapport à certains pays arabes, la prépondérance de l'Islam a des conséquences non seulement sur les us et coutumes mais aussi sur la vie politique et gouvernementale. Enfin, l'extrême pauvreté du pays, liée à son incroyable densité de population couronne la situation.

On peut noter d’abord le rôle de la hiérarchie et de l’expérience, voire de l’âge qui prédispose au respect. A contrario, l'expérience m'a confronté à des individus s’estimant plus légitimes et effectivement plus âgés et présents à leur poste depuis plusieurs années. Devant subitement subir la supériorité hiérarchique d'un jeune blanc bec, ces malotrus montrèrent mépris, frustration et la volonté de discréditer ma personne en la tournant au ridicule. Ce fait me fut évidemment masqué mais ostensiblement porté à la connaissance de nos collaborateurs.

Si ces cruelles dispositions ne se dissipèrent vraiment qu’après le départ de l’organisation de leurs instigateurs, la situation s’atténua au fil du temps lorsque la valeur de certaines compétences s'imposa indéniablement ou rendis plus délicates à exprimer les billevesées via l’acquisition de la langue.

Ensuite, la plupart de mes collaborateurs furent surpris par des méthodes occidentales tranchant avec la vision locale du manager : Un être omnipotent, délégant sans ambages toutes tâches et exprimant sa supériorité par un comportement autoritaire. La politesse, l’empathie, le respect et la considération de l’autre, surtout lorsque qu'il évolue dans une classe sociale inférieure, sont des valeurs souvent incomprises et même parfois malvenues dans un contexte professionnel.

Par ailleurs, La corruption, liée à la pauvreté fut également sujet d’incompréhensions. Elle est hélas pratiquée à tous les niveaux. Or elle n’est condamnable qu’une fois incontestablement établie et punie. S’y adonner dés que l’occasion se présente est au contraire pour la plupart la preuve sinon d’une intelligence qui mérite le respect, quand l’impunité requiert des qualités de dissimulation faisant appel à une certaine ingéniosité, au moins du simple bon sens et d’une action toute naturelle. Certains, clairement confondus, poussent même la négation jusqu’à des niveaux aberrants de consternation.

A propos de religion, on se fait vite à l’appel du muezzin et peut ressentir de l’étonnement lors des visions premières de la dévotion quotidienne de son voisin de bureau. Mais à part ces prières, le fait que certaines fêtes religieuses sont chômées et des périodes de jeûnes qui vous incitent à fermer plus tôt, on ne ressent pas au niveau professionnel de choc particulier lié à l’Islam.

Pour finir sur un point positif, on peut parler de la bienveillance à l’égard des étrangers. Il y a en effet une certaine joie et un bonheur naïf mêlé de curiosité dans l’accueil des allochtones. Cette joie peut même atteindre l’ébahissement dans des endroits plus reculés. On peut comprendre que l'empressement de certains est aussi lié au prestige social qu’ils peuvent tirer en vous fréquentant.

En définitive, la culture indienne, très irrationnelle et résignée, présente parfois des incompatibilité avec les qualités de rigueur, d’autonomie et de proactivité que requiert une entreprise. De plus, la pauvreté particulière de la région du Bangladesh, si elle met à disposition de l’industrie une importante main d’oeuvre bon marché, dispose d’un système éducatif rudimentaire et il est plus difficile de trouver des collaborateurs fiables pour des postes faisant appel à des compétences intellectuelles plus poussées.

mardi 16 avril 2013

Carnaval de Hangzhou

Nous avons eu ce week end la chance de vivre un évènement dont l'authenticité et la particularité culturelle valent que je vous le rapporte.
Permettez-moi d'abord de vous mettre en situation en vous exposant brièvement notre vie en Chine.

Voilà deux ans que la grisante Shanghai nous a accueilli aux premières loges de l'incroyable expansion de la Chine face aux nippons. Comme tant de privilégiés expatriés, nous avons un appartement près du centre, dans le quartier prometteur de Jingan. Mais pendant la semaine, seuls Jeanne, Cosme et Alice l'habitent, car il me faut aller prendre ma part du gateau à Wujiang, cité industrielle sans intérêt et pas si éloignée de Shanghai, mais quand même assez pour que j'y loge les jours ouvrés.

Ce mal cache un bien car il me permet de continuer avec grand sérieux l'étude du jazz et de la clarinette. Ce travail commence à porter ses fruits et me permet de me produire régulièrement sur la scène Shanghaienne. Je vous invite si le coeur vous en dit à visiter le site: Si pas OK, dispo dans bande de droite (d'ailleurs, si vous daignez poster un message sur la page d'accueil, ça serait sympa!).

Comme en Chine, on peut voir les choses en grand, je me prend à rêver d'une gloire et d'un succès qui m'affranchiraient du joug industriel et cherche la chance en cultivant une disponibilité et un réseau qui se développe.

Or vendredi dernier, me voici contacté par un quidam se réclamant ami d'un contrebassiste de ma connaissance. Au fil des sms apparaît une nouvelle opportunité. L'évènement a lieu le lendemain à Hangzhou (une heure de train de Shanghai), de 9 am à 4 pm. J'accepte le job.

Un rendez-vous est convenu à la gare le lendemain matin, 6:30. (Faut quand même aimer la musique).
De bon matin, dans un état d'excitation nerveuse liée à la perspective d'une aventure idéalisée par l'imagination, je saute dans mon falezard, embrasse bobonne et les morbacs et hèle un taxi qui m'amène sans délai à l'imposant hub de Hongqiao.

Il est 6:20. La base du métier, m'a-t-on appris, c'est d'être à l'heure. Je tape mon sms...

... A 7:40, je suis devant la porte 9. Je manque de tourner les talons quand je découvre l'entremetteur. Je ne sais plus si c'est l'insidieuse odeur de crasse et de cigarette ou la vision de son aspect risible qui m'a frappé le premier. Ce jeune chinois teint en blond, vêtu d'une peau de léopard, d'un slim à carreau très tendance et d'une paire de mocassins blancs ornés d'une boucle en tête de mort tient dans sa main un téléphone grand comme un plateau de fromage et arbore un rutilant sac à main griffé Gucci. Il me tend la main avec un franc sourire et de plates excuses me confirmant dans l'idée qu'il a passé une nuit blanche et arrive juste de Hangzhou.



Kevin (sans sa veste lépoard, dommage)

Mais je suis contre l'homophobie, il faut aimer son prochain et le tromboniste nous attend. C'est néanmoins d'un air dur que je l'appelle (l'autre galérien n'a évidemment plus de batterie). Il semble qu'il ne puisse trouver la porte 9. Nous allons donc à la porte 4 d'un pas décidé. Un jeune brésilien, l'air sympathique dans un pantalon à pince sombre et discret m'informe qu'il joue de la musique brésilienne (tiens, tiens, tiens...), pendant que le gay s'efforce de joindre Jimmy clarinette. On finit par trouver un colombien de 17 ans, queue de cheval, large sourire, avec papa qui l'accompagne. Je pensais qu'il jouait de la musique colombienne, mais non, il me parle de Vivaldi.

Le gay revient avec les billets de l'express de 8:24, nous partons, arrivons à Hangzhou, montons dans un taxi, récupérons deux autres sud-américains d'une vingtaine d'années avec du matos, remontons en taxi...

Je suis avec les deux derniers arrivés qui fument de l'herbe sur la banquette arrière et téléchargent des photos et vidéos de musique écossaise. J'y jette un oeil en me demandant comment diable sonner comme une cornemuse et mémorise un air en me doutant qu'on fera ce qu'on peut.

Au bout d'une longue route à travers la campagne du Zhejiang, nous atteignons un lieu isolé et découvrons un complexe demeurial comme seul les chinois savent les faire. Bitume flambant neuf, allée bordée de pégases, arche antique rococo, vaste parking, maisons à colombages et tourelles de château bavarois. Les constructions seront bientôt finies et les prospects visitent.

Nous débarquons à côté d'un curieux groupe de jeunes filles emplumées, enserrées dans des collants et t-shirt moulants couleur peau et attifées façon carnaval de Rio. Va savoir qui représentent le prince et la princesse, perruqués de blond et vêtus l'un d'une combinaison de ninja bleu fluo, l'autre d'une sorte de costume alsacien.

Il s'agit là de notre cortège, qui nous attend depuis 2 heures que nous sommes en retard. Nous nous empressons d'enfiler les kilts. Le jeune colombien, probablement honteux de son slip, refuse d'obtempérer. Heureusement, le complet du chef d'orchestre majorette blanc lui va à ravir. Peu soucieux de la mini-jupe, de la chemise en polyester qui gratte et de la cape qui tombe de travers, habité par de nobles pensées artistiques, je monte mon instrument et m'engage dans le cortège en essayant de trouver un truc à jouer avec le tromboniste.




D'abord persuadé de mon incurie musicale en matière brésilienne, ce n'est que plus tard que j'ai compris que le tromboniste souffrait d'arythmie. Ou s'il savait jouer, il doit s'agir d'une musique Brésilienne d'avant garde, différente des disques que j'ai à la maison et compréhensibles de certains adeptes seulement...

Toujours est-il que le tromboniste jouant des trucs incompréhensibles, l'autre clarinettiste arrivant juste à sortir quelques notes faiblardes, les deux foncedés meilleurs à la fumette qu'à la caisse claire, je me retrouve à faire comme tout le monde, jouer ma partie en faisant abstraction du reste.

Au bout de quelques licks, finissent quand même par se dégager deux mélodies qui seront nos chevaux de bataille: "Oh when the saints" et un blues. Il faut noter la présence précieuse du papa colombien. Usant de cymbales, il donne le rythme. Me cantonnant principalement au sur-aiguë, je me cale et réveille le nègre qui est en moi pour envoyer de la cigogne.




Nous déambulons donc, suivant nos emplumées qui remuent du popotin, le prince et la princesse qui marchent les yeux au sol, en ordre épars, sous les yeux de spectateurs médusés - le genre middle class mal dégrossie qui n'a pas encore son sac LV.

Animent également la journée une belle fake-violoniste, posée sur scène avec son blanc violon. Son archet virevolte pendant que le DJ envoie du gros André Rieux des familles, version techno bien sûr, et un clown que j'évite pudiquement de regarder.

Alice, Jeanne et Cosme nous rejoignent et arrivent en fin d'après midi, hilares. C'est à la fin du show que les choses se gâtent. Nous comprenons vite que la paye sera pour un autre jour. Nous blâmant le retard, les armateurs gardent la fraiche. Nous faisons pression sur le gay, qui se cache déconfit derrière son plateau à fromage pendant que l'impresario lui aboie dessus. Alice me fait finement remarquer que nous ferions mieux d'appeler un taxi dès à présent.

Nous trouvons les inévitables gardes et leur mandons diligence. Il est six heures, nous marchons jusqu'à la voie rapide et commençons l'attente dans l'après-midi qui s'éteint. Le minibus de la résidence passe, reconduisant des employés, nous faisons signe, il y a que deux places.
Beaux joueurs, les comparses nous les laissent. De minibus en taxi, puis en train, nous regagnons nos pénates à 10h30.

J'apprendrai plus tard que l'équipe a attendu 3 heures du matin pour être ramassée, et que le colombien et son papa n'arriveront à Shanghai que le lendemain matin. Cabron !

Maxal Bangladesh ltd