lundi 4 avril 2011

Les Racailles de Shanghai

Veuillez noter qu'en raison de la censure Chinoise, empêchant Jake de se logger à tout type de blog, un fidèle admirateur a posté ce message du Bangladesh

Frères et sœurs,
Il faut nous excuser le silence persistant qui hante ce blog depuis quelques mois. Las, plutôt que de persifler, de nous complaire à la médisance, et de vous importuner de perpétuelles plaintes, nous optâmes pour le silence. Réjouissez-vous-en et permettez-moi d’en mettre une dernière couche.
Si toutefois la condition d’expatrié au Bangladesh vous a plut, continue à vous interpeller et que la lecture d’un tissu d’âneries ne vous dérange pas plus que cela, suivez ce lien. http://benbang.over-blog.com/
Cela étant dit, laissez-moi continuer mes explications.
Tout d’abord, sachez que l’arrivée de Simonetta nous comble de bonheur et a beaucoup adouci la fin du périple.

S’il n’avait fallu compter qu’avec le reste : les pots d’échappement, l’incessant vacarme, l’incompétence quotidienne, l’insupportable crânerie, un complot abject, les incompréhensions d’une culture que la soif de découverte rendait encore plus exaspérante etc…, nous aurions fini dans le lac. Dieu merci, Abdoulilla, comme on dit là bas, nous restâmes de marbre et pôfinâmes un plan de secours.
Inutile de préciser qu’en fin stratèges, nous avions placé nos pions. Pas question de rentrer au bercail. La belle Irina, plus vaillante et curieuse que jamais, n’a pas fini de courir le monde. Par monts et par vaux, il me faudra continuer à courser cette gazelle infatigable. Partir donc, mais où ?
Prêts à tout, résignés à continuer à suivre le fil du textile, nous obtînmes du haut commandement une assignation en Chine.

Dernier trip à Rangamati,
Désireux de quitter la place sur une impression positive et faisant fi de nos précédents malheurs, nous décidâmes de tenter une dernière aventure en province Deshoise. Il fut donc question de suivre une dernière fois l’équipe d’étasoeur au grand pique-nique annuel.
Attention aux nouveaux, si vous voulez être « corporate » et décidez de suivre le mouvement pour participer à un « pique-nique », oubliez le jambon beurre, la nappe à carreaux et l’après midi bucolique à la campagne.
Commencez plutôt par mettre le lonely planet à la poubelle. (Quelle blague ce lonely planet sur le Bangladesh ! Vous verrez qu’ils proposeront bientôt un Gault et Millaud). Ensuite, munissez-vous de vermifuge, d’un drap propre, d’une moustiquaire, de boules quiès et d’un game boy waterproof.
Pour y aller ; la route n’est pas sûre. On a vite fait de s’encastrer la tête dans l’arrière du siège de son voisin de bureau. Tentez l’aventure avec Biman airlines.
N’ayez aucun scrupule à laisser les autres pliés en quatre, se vomir les uns sur les autres en bus de nuit, parcourant en douze heure la distance que vous mettrez trois à accomplir. Une fois sur place, subissez sans broncher les us et coutumes, appréciez le déploiement des infrastructures touristiques, et tâchez de vous amuser. Rassurez-vous, cela ne peut pas durer plus de cinq jours.
Permettez-moi d’insister sur la nécessité d’emporter des boules quiès. Entre autres bruits de couloirs et indélicatesses diverses, la confession du prophète peut générer de longs rassemblements lors desquels il est fait usage de vieux matériel de sonorisation. Les imams se passent le micro tour à tour, et s’entêtent à chercher l’inspiration dans des psalmodies aux accents surprenants. Poussées au grand maximum avec le grésillement et les effets larsen, les nuits de prêches peuvent être mal interprétées et sembler non seulement dérangeantes mais de plus agressives. Inutile d’ajouter des griefs à une religion déjà trop mal comprise.
Pour le reste, les photos valent mille mots.

Les adieux au pays
C’est en partant que nous nous aperçûmes que nous étions restés un peu humain. Les adieux avec Rénou, qui partageait notre foyer et faisait comme partie de la famille, furent particulièrement déchirant. Rendons hommage à une femme de cœur, qui avait appris à faire super bien les pancakes et qui adorait Simonetta, laquelle le lui rendait bien.
Peu après ces évènements, Simonetta et Irina me quittaient et partaient en éclaireuses à Shanghai. Je les rejoignais à l’hôtel M.A.R.V.E.L quelques jours plus tard.
Autant dire que sans pallier de décompression, la transition est saisissante. Je ne vous apprends rien, mégalopole ultramoderne, Shanghai brille de milles feux. A côté, c’est à peine si Dhaka ressemble à une bouse de vache. On peut s’y promener, traverser la ville en métro, y trouver tout type de denrées et produits manufacturés. Point de coupures de courant, les choses fonctionnent, les filles portent des mini jupes, les hommes peuvent leur parler, le vin est bon et il est inutile de se cacher pour le boire, on est plus qu’un quidam parmi d’autres… Bref, je retrouvais mes muses grisées du plaisir de la découverte dans la fraîcheur ensoleillée du printemps Shanghaien.
Enfin réunis nous eûmes vite fait de dégotter un appartement. De nombreuses visites dans diverses tours et maisonnées de charmes nous conduisirent à jeter notre dévolu sur un compromis typique et confortable situé en bordure de l’équivalent des champs Elysées. L’éloignement de nos bureaux nous amena à moult réflexions, mais la meilleure alternative, un parc à expatrié excentré, se solda par une visite malheureuse lors de laquelle Simonetta manifesta abondamment un désaccord odorant qui nous força à rentrer fissa.
La question de la nounou avait déjà été réglée par Irina quelques jours plus tôt. Elle vint prendre ses fonctions le jour dit. En parents avertis du traumatisme de la séparation, nous avions prévu une prise en charge accompagnée et par étapes. Bien nous en pris, car c’est en apercevant Rélen et en comprenant qu’elle allait être à sa charge que Simonetta exprima à nouveau son mécontentement, par la voie sonore cette fois. Nous eûmes beau lui expliquer que sa condition n’était pas des pires, et que la vie n’étant autre qu’une succession de deuils, il fallait s’en accommoder, rien n’y fit. Il faut dire que ladite Rélen, pourtant d’apparence irréprochable, a tendance à s’exprimer avec un volume peu commun. Non que ses comptines soient déplaisantes, mais vous pûtes vous-même comprendre la crispation de Simonetta en voyant l’entêtement envahissant avec lequel Rélen tentait de l’apprivoiser. « Eh ! Il faudra bien qu’elle s’y fasse », finîmes-nous par acquiescer.
Nous poursuivîmes les jours qui nous séparaient de la reprise en balades et emplettes, déambulant fièrement les allées de la ville en exhibant une Simonetta radieuse à des Chinois enthousiastes.

Ainsi s’achève Bangladesh Insiders, ou les aventures de Jake et Irina au Bangladesh. Une page se tourne. C’est triste, mais comme je l’expliquai avant-hier à Simonetta, il faut s’y faire. Pour digérer la pilule, rien de mieux que la méditation. Comme disait Guillaume Gorzkowski : « la beauté sauvera le monde ». Ainsi, permettez-moi de vous suggérer d’accompagner le vague à l’âme qui vous envahit soudain par ce petit poème qui m’est allé droit au cœur (j’en aurais bien écrit un moi-même, mais il existait déjà) :
Partir, c'est mourir un peu,
C'est mourir à ce qu'on aime :
On laisse un peu de soi-même

En toute heure et dans tout lieu.
C'est toujours le deuil d'un vœu,
Le dernier vers d'un poème ;
Partir, c'est mourir un peu.

Et l'on part, et c'est un jeu,
Et jusqu'à l'adieu suprême
C'est son âme que l'on sème,
Que l'on sème à chaque adieu...
Partir, c'est mourir un peu.

Pour la suite, avec plus de 30 000 français à Shanghai, c’est sûr que l’aventure sera moins originale. Mais elle aura toujours le mérite d’être relatée avec style, pas vrai ?
Bien sûr, comprenez bien que nous n’avons pas été promus pour des billes. Faire des étincelles, générer des K€, apprendre le mandarin, jouer de la clarinette, se faire des amis, dîner en amoureux, s’occuper de Simonetta… Ces priorités prendront du temps. Veuillez excuser une inconstance que je subodore déjà. En revanche, acceptez les remerciements, étreintes fraternelles, pensées dévouées, salutations sincères du crew des wesh-wesh du Bangladesh, aka les racailles de Shanghai.

Maxal Bangladesh ltd