jeudi 27 août 2009

Carnage Au village



De retour à la vilaine, Jack et Irina se remirent au labeur sans prendre le temps de souffler. L'escapade à Savar désormais derrière eux, ils revinrent à la dure réalité de l'univers du textile et se remirent à faire des K€ à la seule force de leur pensée.

Ils se glissèrent à nouveau avec l'habileté qu'on leur connaît dans leurs costumes de capitaines d'industrie. L'œil le plus inquisiteur n'aurait pu se douter que sous ces hardes se cachait en fait le couple le plus téméraire du frip, du froup, mets tes doigts dans ton nez.

Car pendant que l'Europe s'adonnait aux plaisirs lascifs de l'oisiveté, les peuplades Asiatiques, fourmis besogneuses, s'échinaient infatigablement. La jungle vociférante de Dhaka bruissait du continuel vacarme des klaxons et des pots d'échappement et la Bangladècherie construisait sans relâche son redoutable et branlant édifice.

Bref, ce que l'on appelle le développement suivait son chemin, tortueux et inhumain.

Tous les matins, à 7h30, Irina, levée la première,secouait Jack des limbes. Un frugal petit déjeuner avalé elle montait prestement dans sa Toyota spacio afin de se faire conduire à Konabari et d'y gérer son rififi. Un dénommé Biplob s'acquittait de cette tâche avec grand professionnalisme.

Walkirie inépuisable de l'étiquette, elle passait alors la journée sur le champ de bataille. Harcelant sans relâche ses fournisseurs, se mettant en quatre pour ses clients, tenant la comptabilité d'une main de fer, terreur intraitable de la feigne et de la négligence, un œil sur ses états de stock, l'autre sur la qualité des livraisons, elle déployait avec une ardeur chaque jour renouvelée sa rigueur, son sens de l'organisation, son soucis du détail et du travail bien fait. Ses fidèles écuyers, le noble Shamim, Monik le sournois, Roshan le nonchalant et Mamun « n'à qu'une dent » lui étant totalement dévoués, elle se voyait obéir avec un respect mêlé de crainte.

Jack, quant à lui, se penaillait pendant quelques minutes sur la terrasse. Une toilette sommaire lui laissait le temps d'identifier la subtile différence entre la sixte mineure, le triton et l'accord contre-diminué, cela grâce à l'acquisition récente d'un logiciel du dernier cri. Après quelques gammes et poses de son, il sautait dans sa Toyota Yaris et partait pour les bureaux de Banani conduit par le fringant Nohman. Premier arrivé, il s'installait alors derrière son bureau et abattait avec une rigueur infaillible les diverses tâches qui lui incombaient, et lui décombaient.

Lorsque midi sonnait, néanmoins, Jack avait l'habitude de se rendre au German club. Cela lui permettait de se desporter et de se nourrir dignement. Il avait l'habitude, en attendant la soupe, d'essayer son Bangla sur les serveurs du club. Ceux-ci, désormais habitués à ses visites, et reconnaissants de l'investissement linguistique qu'il produisait, lui réservaient un traitement de faveur des plus généreux.
comme l'oiseau qui petit à petit, fait son nid, une certaine amitié se noua entre eux. John, Bangladeshi de confession catholique, semblait notamment apprécier ces conversations.

Un beau jour ou peut être une nuit, alors que Jack lui avait rendu service en signant au club deux de ses amis, il lui proposa de les emmener Irina et lui en son village.

Un week end de trois jours étant prévu pour la mi-août, et certain que l'idée plairait à Irina, Jack finit par accepter.
On se mit donc d'accord. On partirait au lever du soleil avec la voiture d'Irina. Pour allier l'utile à l'agréable, un ami de John, désirant rentrer au village, se chargerait de la diligence. On visiterait quelques monuments dignes d'intérêt, on dormirait à l'auberge et l'on rentrerait le lendemain.

Le jour convenu, Irina et Jack, frais et dispos, levés aux aurores, attendaient. Les sacs étaient bouclés, la voiture chargée... Mais toujours point de John. Maîtrisant une irritation croissante, Jack multipliait des appels téléphoniques se heurtant sempiternellement au standard vocal, ce qui signifiait que son interlocuteur dormait comme une merde.

Irina et Jack en profitèrent pour s'essayer au dur exercice de la patience.

Une heure après l'horaire convenu, John se manifesta enfin. Ce n'est qu'une demi-heure après qu'il rejoignit nos amis, accompagné du cocher, répondant au doux prénom d'Aminul. Celui-ci, s'installant au volant, fit tant crisser les pneus du véhicule qu'il froissa la douce Irina, toute retournée à l'idée des milles et uns accidents susceptibles d'abimer son outil de travail, et douteuse des réelles capacités du nouveau venu. La manœuvre de sortie aboutie, voyant que le désespoir gagnait la partie, Jack persuada Irina d'honorer l'ami de John de sa confiance et l'on quitta la ville.

Chemin faisant, ponctué par les frémissements et injonctions d'Irina à l'adresse d'Aminul, John put clarifier la raison de son retard. Comme sa petite fille, qui faisait ses dents, avait dormit en bas, car la moustiquaire du haut était défaite, étant donné la visite de sa tante la semaine dernière, qui avait laissé son pull en bas y ayant mangé une pomme, et du fait qu'il avait dû changer sa carte sim de terminal pour retrouver le numéro de son arrière cousin, il s'était, fourbu, octroyé une panne d'oreiller.

Perplexes, Jack et Irina opinèrent du chef. Quoi qu'il en soit, ils en avaient vu d'autre, et John n'avait pas commencé ses boniments qu'ils avaient déjà mis leur rancune à gauche.

Au bord de la route défilèrent d'interminables rizières, et autres champs, dont le charme indiscutable n'apprit rien de nouveau à nos héros.



Arrivée à Khalikapur

Après quatre heures de route, on arriva enfin à Khalikapur. On commença par boire un thé. La présence d'étrangers fit son effet, et Jack et Irina purent pressentir le rôle de montres à gousset qu'ils allaient devoir tenir pendant le week end.

John

John indiqua à ses invités la résidence destinée à les accueillir. Celle-ci, réservée aux visites de politiciens, était en émoi étant donné la visite de certains d'entre eux, qui saluèrent nos héros avec déférence.

On rejoignit ensuite la demeure de l'oncle, où l'on attendait depuis le matin. Jack et Irina découvrirent une vaste bâtisse ressemblant étrangement à une chapelle. Après un rapide tour du propriétaire, incluant potager et jardin, on déjeuna, après quoi, l'équipe prit congé et repartit en direction du tea shop, point de départ pour RasBari, la demeure du roi.

Hélas, il fallait attendre l'arrivée de toute une troupe, désireuse de profiter de l'occasion. On s'assit en cercle, on commanda des thés et l'on attendit, échangeant distraitement diverses banalités plus où moins poussées, se dévisageant mutuellement sans en avoir l'air, comme c'est de coutume dans cet étrange pays. Au bout de trois quarts d'heure de ce régime, comprenant à demi à quelle sauce ils allaient être mangés, Jack et Irina s'enquirent de la situation.

L'attente au Tea shop

Tout le monde était là, mais manquait Parvel. En effet, il allait venir à moto, mais comme celle qu'il avait avant n'était pas en état, il était reparti chercher l'autre. Or il n'avait pas les clés, puisque son cousin les avait prises. Ce que l'on ne savait pas encore, c'est que le cousin était à la mosquée, où Parvel attendait. John ayant son portable déchargé, et Parvel apparemment ignorant de la constitution du reste de l'équipe ne donnait pas de nouvelle et il fallut changer la carte sim pour l'appeler. Comme le cousin n'en finissait pas de prier, on proposa à Parvel de l'emmener en voiture, chose à laquelle il avait déjà pensé, mais n'avait point osé formuler. L'affaire était réglée, Parvel arriva en cinq minutes et l'on se mit en route, précédant un cortège de quelques motos.

Après une demi douzaine d'interruptions dues aux divers imprévus logistiques d'un voyage à plusieurs véhicules dans les conditions que l'on connaît, la maison du roi se révéla enfin.

On sortit de voiture et esquissa quelques pas dans le parc lorsqu'une averse violente se déclara et confina la promenade à un temple nauséabond dédié à des divinités phalliques Hindoues.



Jack s'écarta discrètement du groupe pour sécher les larmes d'Irina. Il faut croire que les dieux de la fesse les trouvèrent à leur goût puisque la pluie cessa.

On fit alors le tour du parc pour s'apercevoir qu'il y avait effectivement des monuments dignes de ce nom au Bangladesh, mais que c'était bien dommage que personne ne s'en occupe car ils tombaient en ruine.



En s'enfonçant dans un mausolée lugubre, Jack bondit soudain en apercevant un hibou perfide qui les observait d'un œil malveillant. Il avait vu juste car ce suppôt des ténèbres guettait l'arrivée de sang frais pour ses funestes maîtres : deux affreuses chauve-souris qui s'abattirent sur le groupe avec des hurlements terrifiants.



N'écoutant que son courage, Jack proposa à Irina de réaliser des clichés sur le vif, pour la postérité.



La balade terminée, et le groupe réuni, on repartit. Après une nouvelle demi-douzaine d'attentes réciproques et les coups de fil qui vont avec, on arriva à PurluS, où une promenade déhanchée emmena la troupe sur une route des plus bucoliques.







La foule en délire suivait Jack et Irina qui furent l'espace d'un après midi projetés dans la peau de stars du cinéma.







En rentrant, après quelques passages obligés chez le confiseur et les différents dignitaires du coin où il s'agissait de se gaver en faisant bonne figure, on rentra prendre l'apéro chez John.

Jack et Irina furent accueillis par une équipe de musiciens débridés qui leur proposèrent un pot-pourri local étourdissant. L'un d'entre eux ayant un instrument ressemblant de loin à une clarinette, Jack lui mit sa fessée lors d'un duel épique digne des fameuses nuits de Kansas city. Pendant ce temps, Irina, entraînée par la gente féminine, se laissait questionner sur la profondeur de son amour envers Jack. Il lui fut également offert un relookage facial d'un effet saisissant.

Ces dames nous préparent la pitance que nous allons devoir ingurgiter

Après une nuit assez inconfortable, une promenade à la mission catholique et trois visites de courtoisie à caractère gastronomique de type obligatoire et espacées d'une demi-heure seulement! Jack et Irina s'arrachèrent enfin à ce havre de paix et rentrèrent à Dhaka. La tête chargée de souvenirs et heureux d'avoir fait la visite, ils se jurèrent néanmoins qu'on ne les y reprendrait plus.


Toutes les photos ! Clickez ici.


Maxal Bangladesh ltd