lundi 20 janvier 2014

A pied par la Chine



Entre Hongqiao, Suzhou, Wujiang, le lotus bleu, Mandarin city, le JZ club, les tableaux, les rapports, les couches, les biberons, les accents, les gammes... La vie est bien dense et nous nous trouvons comme deux fétus de pailles, portés par le flot d'un monde vertigineux...
Le week end, la cellule familiale se recentre et s'abreuve d'amour pour affronter la semaine qui vient.
Hélas, cela nous laisse peu de temps pour nous épancher à la narration de nos vies passionnantes, et les rares missives ou visio-communications que nous partageons avec une poignée d'élus sont tout ce qui transpire de ces trépidations.
Mais ces temps-ci, assistant avec consternation au verbiage navrant qui vous inonde, à ces ineptes histoires de quenelles ou ridicule commérages de coucheries présidentielles, nous nous refusons à rester spectateurs impuissants.
Voici donc, amis, la preuve que vous n'êtes pas seuls et qu'en de contrées lointaines, des âmes fraternelles vous sont liées.
Que cette courte nouvelle nous permette de les joindre et vous fasse partir vers l'est, en ce lointain pays, objet de tant d'attention et de fascination qu'est la Chine...

...Chaque année, il faut trouver une excuse pour se défiler de ces corvées "corporate" de dîners annuels. Jusqu'alors, nous nous étions montrés inspirés et avions pu nous tenir à l'écart de ces gueuletons populaires destinés à griser le prolo, moment de consécration d'une année de labeur, prélude au grand break du Chinese New Year...
Sollicitée, la belle Irina m'avait toutefois proposé de l'accompagner samedi soir. J'avais accepté, pensant qu'une virée au côté d'une telle femme ne pourrait qu'être un plaisir. De plus, après les refus consécutifs des dernières années, notre absence eût été un affront et il fallait cette fois s'y résoudre.
Nous nous préparâmes donc, vers cinq heures et demi. Irina s'était vêtu avec cette simplicité qui laisse s'exprimer son charme pénétrant. Je lui donnais le bras et l'emmenai vers la station de métro.

Nous arrivâmes avec une demi-heure de retard vers 6:30 dans une salle comble. 800 personnes y étaient déjà attablées. La valse des mets avait commencé et les serveurs, courraient entre les convives apprêtant leurs baguettes ou se pressant face à l'estrade, brandissant leur i-téléphone pour ne rien oublier du spectacle qui s'y déroulait.
Nous saisîmes immédiatement que ce serait pire que ce à quoi nous nous attendions.
La vaste salle appartenait à un complexe dédié à ce genre d'évènements. Une odeur d'alcool et de tabac imprégnait la moquette usée et, réglés trop fort, aboyaient des amplificateurs bon marché permettant à l'assemblée de profiter de l'animation.

A cet effet, deux couples d'animateurs professionnels parés de tissus synthétiques écarlates et nœuds papillons assortis se partageaient le micro, annonçant de leurs voix nasillardes les vainqueurs de la tombola ou les divertissements préparés par chaque département qui rythmaient les agapes.
Tour à tour exotiques, aguicheuses, créatives ou bon-enfant se succédaient donc sur scène des chorégraphies scandées par la musique qu'affectionne la plèbe.

Nous fûmes placés jouxtant la table d'honneur et nous plûmes à penser que c'était là le fait de notre manque d'exactitude et qu'arrivés à temps, nous y aurions siégé sans aucun doute.
Quelques poignées de main et sourires forcés firent office de présentations.

Du fait de l'amplification sonore, à mon avis non loin du seuil de danger fixé par l'UE, les échanges se réduisaient à de sempiternels toasts, comme c'est de coutume dans les banquets en Chine, et à des banalités stériles type:

-  "ça va ?"
-  "Super !"
-  "Alors, ça se passe bien ?"
- "Génial !"
-  "Y'a du monde hein ?"
-  "Oui, en effet !"

Parfois empreintes de lyrisme sentimental (feint ?):
-"J'ai vraiment la sensation que dans cette boîte, on est comme une grande famille".

Ou même de magnanimité généreuse lorsque, comblés d'honneur, nous eûmes comme chaque table la visite du président-directeur-général-propriétaire qui s'attarda à nous évoquer cette coutume Bangladeshoise (dont je n'ai jamais entendu parler auparavant), deux spécimens étant à notre table.

- "Tu sais que lorsqu'ils se marient ils offrent un voiture et la coupent en trois pour en donner un tiers aux pauvres ! Imagine, c'est comme si tu avais 1 million et que tu donnais 300 mille. C'est beau non? Je trouve ça vraiment grand".

Bien que rompu aux néologismes colportés dans les pays en développement, je dois avouer ne pas avoir totalement saisi la portée de cette sentence.
J'imagine que la voiture n'est pas réellement "coupée" et que c'est une image.
Et quand bien même ça le serait, je me demande ce que font les mariés qui ne peuvent s'offrir le tiers manquant de la voiture, j'imagine qu'ils peuvent opter pour un scooter ou un frigidaire.


Le clou de la soirée nous tomba dessus alors que nous étions dans les trois derniers quarts d'heures et que je me tenais près d'Irina, la tête entre les mains, juste avant qu'elle ait l'honneur d'être appelée sur scène pour tirer le nom des avant-avant-derniers vainqueurs.
Un individu à moitié ivre trébucha et nous tomba dessus avec son verre de vin dont le contenu se retrouva partie sur mes cheveux partie sur la belle robe neuve d'Irina.
Outré, à bout, il me fallut un effort immense pour identifier des parties extrêmes de mon être  quelques fragments de mansuétude et, au prix d'une concentration surhumaine les faire converger vers mon cœur sec puis prendre la main que le cuistre, agenouillé devant nous, bredouillant de honte, me tendait, et dé-serrer ma mâchoire pour laisser échapper un "it's ok" que je ne pût parvenir à exempter de mépris.

Une fois gagnés toutes les bouilloires, sèche-cheveux, i-pad et autres i-phones et chaque département ayant fait part de ses talents, nous pûmes enfin nous sauver, donnant tout pour garder le sourire jusqu'à la sortie et promettant de ne pas
manquer la fois prochaine.

vendredi 13 septembre 2013

De la culture Bangladeshie dans un contexte professionel


Après une expérience professionnelle de trois ans au Bangladesh (de 2008 à 2011), voici à froid quelques pensées rationnelles sur les chapitres de l'intégration culturelle et l'adaptation dont la profondeur n'a d'égal que l'intérêt.

Le Bangladesh est le berceau de la région du delta du Gange. Ce pays est le théâtre de conditions culturelles particulières : D'abord, la culture Hindoue y a une grande influence du fait de la proximité de l’Inde. (Pas bête). En outre, 90% de la population est de confession musulmane et bien qu'une plus grande tolérance s'observe par rapport à certains pays arabes, la prépondérance de l'Islam a des conséquences non seulement sur les us et coutumes mais aussi sur la vie politique et gouvernementale. Enfin, l'extrême pauvreté du pays, liée à son incroyable densité de population couronne la situation.

On peut noter d’abord le rôle de la hiérarchie et de l’expérience, voire de l’âge qui prédispose au respect. A contrario, l'expérience m'a confronté à des individus s’estimant plus légitimes et effectivement plus âgés et présents à leur poste depuis plusieurs années. Devant subitement subir la supériorité hiérarchique d'un jeune blanc bec, ces malotrus montrèrent mépris, frustration et la volonté de discréditer ma personne en la tournant au ridicule. Ce fait me fut évidemment masqué mais ostensiblement porté à la connaissance de nos collaborateurs.

Si ces cruelles dispositions ne se dissipèrent vraiment qu’après le départ de l’organisation de leurs instigateurs, la situation s’atténua au fil du temps lorsque la valeur de certaines compétences s'imposa indéniablement ou rendis plus délicates à exprimer les billevesées via l’acquisition de la langue.

Ensuite, la plupart de mes collaborateurs furent surpris par des méthodes occidentales tranchant avec la vision locale du manager : Un être omnipotent, délégant sans ambages toutes tâches et exprimant sa supériorité par un comportement autoritaire. La politesse, l’empathie, le respect et la considération de l’autre, surtout lorsque qu'il évolue dans une classe sociale inférieure, sont des valeurs souvent incomprises et même parfois malvenues dans un contexte professionnel.

Par ailleurs, La corruption, liée à la pauvreté fut également sujet d’incompréhensions. Elle est hélas pratiquée à tous les niveaux. Or elle n’est condamnable qu’une fois incontestablement établie et punie. S’y adonner dés que l’occasion se présente est au contraire pour la plupart la preuve sinon d’une intelligence qui mérite le respect, quand l’impunité requiert des qualités de dissimulation faisant appel à une certaine ingéniosité, au moins du simple bon sens et d’une action toute naturelle. Certains, clairement confondus, poussent même la négation jusqu’à des niveaux aberrants de consternation.

A propos de religion, on se fait vite à l’appel du muezzin et peut ressentir de l’étonnement lors des visions premières de la dévotion quotidienne de son voisin de bureau. Mais à part ces prières, le fait que certaines fêtes religieuses sont chômées et des périodes de jeûnes qui vous incitent à fermer plus tôt, on ne ressent pas au niveau professionnel de choc particulier lié à l’Islam.

Pour finir sur un point positif, on peut parler de la bienveillance à l’égard des étrangers. Il y a en effet une certaine joie et un bonheur naïf mêlé de curiosité dans l’accueil des allochtones. Cette joie peut même atteindre l’ébahissement dans des endroits plus reculés. On peut comprendre que l'empressement de certains est aussi lié au prestige social qu’ils peuvent tirer en vous fréquentant.

En définitive, la culture indienne, très irrationnelle et résignée, présente parfois des incompatibilité avec les qualités de rigueur, d’autonomie et de proactivité que requiert une entreprise. De plus, la pauvreté particulière de la région du Bangladesh, si elle met à disposition de l’industrie une importante main d’oeuvre bon marché, dispose d’un système éducatif rudimentaire et il est plus difficile de trouver des collaborateurs fiables pour des postes faisant appel à des compétences intellectuelles plus poussées.

mardi 16 avril 2013

Carnaval de Hangzhou

Nous avons eu ce week end la chance de vivre un évènement dont l'authenticité et la particularité culturelle valent que je vous le rapporte.
Permettez-moi d'abord de vous mettre en situation en vous exposant brièvement notre vie en Chine.

Voilà deux ans que la grisante Shanghai nous a accueilli aux premières loges de l'incroyable expansion de la Chine face aux nippons. Comme tant de privilégiés expatriés, nous avons un appartement près du centre, dans le quartier prometteur de Jingan. Mais pendant la semaine, seuls Jeanne, Cosme et Alice l'habitent, car il me faut aller prendre ma part du gateau à Wujiang, cité industrielle sans intérêt et pas si éloignée de Shanghai, mais quand même assez pour que j'y loge les jours ouvrés.

Ce mal cache un bien car il me permet de continuer avec grand sérieux l'étude du jazz et de la clarinette. Ce travail commence à porter ses fruits et me permet de me produire régulièrement sur la scène Shanghaienne. Je vous invite si le coeur vous en dit à visiter le site: Si pas OK, dispo dans bande de droite (d'ailleurs, si vous daignez poster un message sur la page d'accueil, ça serait sympa!).

Comme en Chine, on peut voir les choses en grand, je me prend à rêver d'une gloire et d'un succès qui m'affranchiraient du joug industriel et cherche la chance en cultivant une disponibilité et un réseau qui se développe.

Or vendredi dernier, me voici contacté par un quidam se réclamant ami d'un contrebassiste de ma connaissance. Au fil des sms apparaît une nouvelle opportunité. L'évènement a lieu le lendemain à Hangzhou (une heure de train de Shanghai), de 9 am à 4 pm. J'accepte le job.

Un rendez-vous est convenu à la gare le lendemain matin, 6:30. (Faut quand même aimer la musique).
De bon matin, dans un état d'excitation nerveuse liée à la perspective d'une aventure idéalisée par l'imagination, je saute dans mon falezard, embrasse bobonne et les morbacs et hèle un taxi qui m'amène sans délai à l'imposant hub de Hongqiao.

Il est 6:20. La base du métier, m'a-t-on appris, c'est d'être à l'heure. Je tape mon sms...

... A 7:40, je suis devant la porte 9. Je manque de tourner les talons quand je découvre l'entremetteur. Je ne sais plus si c'est l'insidieuse odeur de crasse et de cigarette ou la vision de son aspect risible qui m'a frappé le premier. Ce jeune chinois teint en blond, vêtu d'une peau de léopard, d'un slim à carreau très tendance et d'une paire de mocassins blancs ornés d'une boucle en tête de mort tient dans sa main un téléphone grand comme un plateau de fromage et arbore un rutilant sac à main griffé Gucci. Il me tend la main avec un franc sourire et de plates excuses me confirmant dans l'idée qu'il a passé une nuit blanche et arrive juste de Hangzhou.



Kevin (sans sa veste lépoard, dommage)

Mais je suis contre l'homophobie, il faut aimer son prochain et le tromboniste nous attend. C'est néanmoins d'un air dur que je l'appelle (l'autre galérien n'a évidemment plus de batterie). Il semble qu'il ne puisse trouver la porte 9. Nous allons donc à la porte 4 d'un pas décidé. Un jeune brésilien, l'air sympathique dans un pantalon à pince sombre et discret m'informe qu'il joue de la musique brésilienne (tiens, tiens, tiens...), pendant que le gay s'efforce de joindre Jimmy clarinette. On finit par trouver un colombien de 17 ans, queue de cheval, large sourire, avec papa qui l'accompagne. Je pensais qu'il jouait de la musique colombienne, mais non, il me parle de Vivaldi.

Le gay revient avec les billets de l'express de 8:24, nous partons, arrivons à Hangzhou, montons dans un taxi, récupérons deux autres sud-américains d'une vingtaine d'années avec du matos, remontons en taxi...

Je suis avec les deux derniers arrivés qui fument de l'herbe sur la banquette arrière et téléchargent des photos et vidéos de musique écossaise. J'y jette un oeil en me demandant comment diable sonner comme une cornemuse et mémorise un air en me doutant qu'on fera ce qu'on peut.

Au bout d'une longue route à travers la campagne du Zhejiang, nous atteignons un lieu isolé et découvrons un complexe demeurial comme seul les chinois savent les faire. Bitume flambant neuf, allée bordée de pégases, arche antique rococo, vaste parking, maisons à colombages et tourelles de château bavarois. Les constructions seront bientôt finies et les prospects visitent.

Nous débarquons à côté d'un curieux groupe de jeunes filles emplumées, enserrées dans des collants et t-shirt moulants couleur peau et attifées façon carnaval de Rio. Va savoir qui représentent le prince et la princesse, perruqués de blond et vêtus l'un d'une combinaison de ninja bleu fluo, l'autre d'une sorte de costume alsacien.

Il s'agit là de notre cortège, qui nous attend depuis 2 heures que nous sommes en retard. Nous nous empressons d'enfiler les kilts. Le jeune colombien, probablement honteux de son slip, refuse d'obtempérer. Heureusement, le complet du chef d'orchestre majorette blanc lui va à ravir. Peu soucieux de la mini-jupe, de la chemise en polyester qui gratte et de la cape qui tombe de travers, habité par de nobles pensées artistiques, je monte mon instrument et m'engage dans le cortège en essayant de trouver un truc à jouer avec le tromboniste.




D'abord persuadé de mon incurie musicale en matière brésilienne, ce n'est que plus tard que j'ai compris que le tromboniste souffrait d'arythmie. Ou s'il savait jouer, il doit s'agir d'une musique Brésilienne d'avant garde, différente des disques que j'ai à la maison et compréhensibles de certains adeptes seulement...

Toujours est-il que le tromboniste jouant des trucs incompréhensibles, l'autre clarinettiste arrivant juste à sortir quelques notes faiblardes, les deux foncedés meilleurs à la fumette qu'à la caisse claire, je me retrouve à faire comme tout le monde, jouer ma partie en faisant abstraction du reste.

Au bout de quelques licks, finissent quand même par se dégager deux mélodies qui seront nos chevaux de bataille: "Oh when the saints" et un blues. Il faut noter la présence précieuse du papa colombien. Usant de cymbales, il donne le rythme. Me cantonnant principalement au sur-aiguë, je me cale et réveille le nègre qui est en moi pour envoyer de la cigogne.




Nous déambulons donc, suivant nos emplumées qui remuent du popotin, le prince et la princesse qui marchent les yeux au sol, en ordre épars, sous les yeux de spectateurs médusés - le genre middle class mal dégrossie qui n'a pas encore son sac LV.

Animent également la journée une belle fake-violoniste, posée sur scène avec son blanc violon. Son archet virevolte pendant que le DJ envoie du gros André Rieux des familles, version techno bien sûr, et un clown que j'évite pudiquement de regarder.

Alice, Jeanne et Cosme nous rejoignent et arrivent en fin d'après midi, hilares. C'est à la fin du show que les choses se gâtent. Nous comprenons vite que la paye sera pour un autre jour. Nous blâmant le retard, les armateurs gardent la fraiche. Nous faisons pression sur le gay, qui se cache déconfit derrière son plateau à fromage pendant que l'impresario lui aboie dessus. Alice me fait finement remarquer que nous ferions mieux d'appeler un taxi dès à présent.

Nous trouvons les inévitables gardes et leur mandons diligence. Il est six heures, nous marchons jusqu'à la voie rapide et commençons l'attente dans l'après-midi qui s'éteint. Le minibus de la résidence passe, reconduisant des employés, nous faisons signe, il y a que deux places.
Beaux joueurs, les comparses nous les laissent. De minibus en taxi, puis en train, nous regagnons nos pénates à 10h30.

J'apprendrai plus tard que l'équipe a attendu 3 heures du matin pour être ramassée, et que le colombien et son papa n'arriveront à Shanghai que le lendemain matin. Cabron !

lundi 4 avril 2011

Les Racailles de Shanghai

Veuillez noter qu'en raison de la censure Chinoise, empêchant Jake de se logger à tout type de blog, un fidèle admirateur a posté ce message du Bangladesh

Frères et sœurs,
Il faut nous excuser le silence persistant qui hante ce blog depuis quelques mois. Las, plutôt que de persifler, de nous complaire à la médisance, et de vous importuner de perpétuelles plaintes, nous optâmes pour le silence. Réjouissez-vous-en et permettez-moi d’en mettre une dernière couche.
Si toutefois la condition d’expatrié au Bangladesh vous a plut, continue à vous interpeller et que la lecture d’un tissu d’âneries ne vous dérange pas plus que cela, suivez ce lien. http://benbang.over-blog.com/
Cela étant dit, laissez-moi continuer mes explications.
Tout d’abord, sachez que l’arrivée de Simonetta nous comble de bonheur et a beaucoup adouci la fin du périple.

S’il n’avait fallu compter qu’avec le reste : les pots d’échappement, l’incessant vacarme, l’incompétence quotidienne, l’insupportable crânerie, un complot abject, les incompréhensions d’une culture que la soif de découverte rendait encore plus exaspérante etc…, nous aurions fini dans le lac. Dieu merci, Abdoulilla, comme on dit là bas, nous restâmes de marbre et pôfinâmes un plan de secours.
Inutile de préciser qu’en fin stratèges, nous avions placé nos pions. Pas question de rentrer au bercail. La belle Irina, plus vaillante et curieuse que jamais, n’a pas fini de courir le monde. Par monts et par vaux, il me faudra continuer à courser cette gazelle infatigable. Partir donc, mais où ?
Prêts à tout, résignés à continuer à suivre le fil du textile, nous obtînmes du haut commandement une assignation en Chine.

Dernier trip à Rangamati,
Désireux de quitter la place sur une impression positive et faisant fi de nos précédents malheurs, nous décidâmes de tenter une dernière aventure en province Deshoise. Il fut donc question de suivre une dernière fois l’équipe d’étasoeur au grand pique-nique annuel.
Attention aux nouveaux, si vous voulez être « corporate » et décidez de suivre le mouvement pour participer à un « pique-nique », oubliez le jambon beurre, la nappe à carreaux et l’après midi bucolique à la campagne.
Commencez plutôt par mettre le lonely planet à la poubelle. (Quelle blague ce lonely planet sur le Bangladesh ! Vous verrez qu’ils proposeront bientôt un Gault et Millaud). Ensuite, munissez-vous de vermifuge, d’un drap propre, d’une moustiquaire, de boules quiès et d’un game boy waterproof.
Pour y aller ; la route n’est pas sûre. On a vite fait de s’encastrer la tête dans l’arrière du siège de son voisin de bureau. Tentez l’aventure avec Biman airlines.
N’ayez aucun scrupule à laisser les autres pliés en quatre, se vomir les uns sur les autres en bus de nuit, parcourant en douze heure la distance que vous mettrez trois à accomplir. Une fois sur place, subissez sans broncher les us et coutumes, appréciez le déploiement des infrastructures touristiques, et tâchez de vous amuser. Rassurez-vous, cela ne peut pas durer plus de cinq jours.
Permettez-moi d’insister sur la nécessité d’emporter des boules quiès. Entre autres bruits de couloirs et indélicatesses diverses, la confession du prophète peut générer de longs rassemblements lors desquels il est fait usage de vieux matériel de sonorisation. Les imams se passent le micro tour à tour, et s’entêtent à chercher l’inspiration dans des psalmodies aux accents surprenants. Poussées au grand maximum avec le grésillement et les effets larsen, les nuits de prêches peuvent être mal interprétées et sembler non seulement dérangeantes mais de plus agressives. Inutile d’ajouter des griefs à une religion déjà trop mal comprise.
Pour le reste, les photos valent mille mots.

Les adieux au pays
C’est en partant que nous nous aperçûmes que nous étions restés un peu humain. Les adieux avec Rénou, qui partageait notre foyer et faisait comme partie de la famille, furent particulièrement déchirant. Rendons hommage à une femme de cœur, qui avait appris à faire super bien les pancakes et qui adorait Simonetta, laquelle le lui rendait bien.
Peu après ces évènements, Simonetta et Irina me quittaient et partaient en éclaireuses à Shanghai. Je les rejoignais à l’hôtel M.A.R.V.E.L quelques jours plus tard.
Autant dire que sans pallier de décompression, la transition est saisissante. Je ne vous apprends rien, mégalopole ultramoderne, Shanghai brille de milles feux. A côté, c’est à peine si Dhaka ressemble à une bouse de vache. On peut s’y promener, traverser la ville en métro, y trouver tout type de denrées et produits manufacturés. Point de coupures de courant, les choses fonctionnent, les filles portent des mini jupes, les hommes peuvent leur parler, le vin est bon et il est inutile de se cacher pour le boire, on est plus qu’un quidam parmi d’autres… Bref, je retrouvais mes muses grisées du plaisir de la découverte dans la fraîcheur ensoleillée du printemps Shanghaien.
Enfin réunis nous eûmes vite fait de dégotter un appartement. De nombreuses visites dans diverses tours et maisonnées de charmes nous conduisirent à jeter notre dévolu sur un compromis typique et confortable situé en bordure de l’équivalent des champs Elysées. L’éloignement de nos bureaux nous amena à moult réflexions, mais la meilleure alternative, un parc à expatrié excentré, se solda par une visite malheureuse lors de laquelle Simonetta manifesta abondamment un désaccord odorant qui nous força à rentrer fissa.
La question de la nounou avait déjà été réglée par Irina quelques jours plus tôt. Elle vint prendre ses fonctions le jour dit. En parents avertis du traumatisme de la séparation, nous avions prévu une prise en charge accompagnée et par étapes. Bien nous en pris, car c’est en apercevant Rélen et en comprenant qu’elle allait être à sa charge que Simonetta exprima à nouveau son mécontentement, par la voie sonore cette fois. Nous eûmes beau lui expliquer que sa condition n’était pas des pires, et que la vie n’étant autre qu’une succession de deuils, il fallait s’en accommoder, rien n’y fit. Il faut dire que ladite Rélen, pourtant d’apparence irréprochable, a tendance à s’exprimer avec un volume peu commun. Non que ses comptines soient déplaisantes, mais vous pûtes vous-même comprendre la crispation de Simonetta en voyant l’entêtement envahissant avec lequel Rélen tentait de l’apprivoiser. « Eh ! Il faudra bien qu’elle s’y fasse », finîmes-nous par acquiescer.
Nous poursuivîmes les jours qui nous séparaient de la reprise en balades et emplettes, déambulant fièrement les allées de la ville en exhibant une Simonetta radieuse à des Chinois enthousiastes.

Ainsi s’achève Bangladesh Insiders, ou les aventures de Jake et Irina au Bangladesh. Une page se tourne. C’est triste, mais comme je l’expliquai avant-hier à Simonetta, il faut s’y faire. Pour digérer la pilule, rien de mieux que la méditation. Comme disait Guillaume Gorzkowski : « la beauté sauvera le monde ». Ainsi, permettez-moi de vous suggérer d’accompagner le vague à l’âme qui vous envahit soudain par ce petit poème qui m’est allé droit au cœur (j’en aurais bien écrit un moi-même, mais il existait déjà) :
Partir, c'est mourir un peu,
C'est mourir à ce qu'on aime :
On laisse un peu de soi-même

En toute heure et dans tout lieu.
C'est toujours le deuil d'un vœu,
Le dernier vers d'un poème ;
Partir, c'est mourir un peu.

Et l'on part, et c'est un jeu,
Et jusqu'à l'adieu suprême
C'est son âme que l'on sème,
Que l'on sème à chaque adieu...
Partir, c'est mourir un peu.

Pour la suite, avec plus de 30 000 français à Shanghai, c’est sûr que l’aventure sera moins originale. Mais elle aura toujours le mérite d’être relatée avec style, pas vrai ?
Bien sûr, comprenez bien que nous n’avons pas été promus pour des billes. Faire des étincelles, générer des K€, apprendre le mandarin, jouer de la clarinette, se faire des amis, dîner en amoureux, s’occuper de Simonetta… Ces priorités prendront du temps. Veuillez excuser une inconstance que je subodore déjà. En revanche, acceptez les remerciements, étreintes fraternelles, pensées dévouées, salutations sincères du crew des wesh-wesh du Bangladesh, aka les racailles de Shanghai.

mercredi 19 mai 2010

Une lueur d'espoir

Pour ceux qui ne sont pas encore au courant :

Malgré la maladie, la pollution, la crise, le chômage, le
réchauffement climatique, la barbarie, le fanatisme ; le comportement
navrant de l'humanité, Alice et moi vous annonçons que nous y
apporterons prochainement notre
contribution démographique, qui devrait avoir lieu fin août.

Maxal Bangladesh ltd